Le Duché de Mayenne au temps
des Mazarin et Grimaldi
Une histoire de familles du Moyen Âge à aujourd’hui
Plongez dans l'exposition réalisée par les Archives départementales de la Mayenne
Quel est le lien entre Mayenne et Monaco ?
Le nom de Monaco évoque spontanément le faste du palais princier accroché au Rocher, la vie trépidante de son casino et ses mythiques épreuves de sport mécanique : le Grand Prix de Formule 1 et le Rallye Monte-Carlo. Quant à la ville de Mayenne, elle bénéficie d’une image plus discrète, celle d’une sous-préfecture du grand Ouest, une cité industrieuse qui a bâti sa réputation sur l’imprimerie, une ville moyenne du bocage mayennais, sur une rivière et dans un département dont elle partage le nom.
En dépit de ce contraste apparent, l’histoire a réuni le duché de Mayenne et la principauté de Monaco sous la même couronne, par le mariage en 1777 de Louise d’Aumont, duchesse de Mayenne, héritière du cardinal Mazarin, et Honoré Grimaldi, futur prince de Monaco sous le nom d’Honoré IV.
Située au carrefour de voies structurantes du grand Ouest, entre vallée de la Loire et Bretagne, Mayenne a joué dès l’Antiquité, et plus encore au Moyen Âge, un rôle stratégique qui lui a valu de souffrir de la guerre de Cent Ans et des guerres de Religion. Par ailleurs, les environs sont riches en ressources naturelles, notamment prairies et forêts, étangs et rivières, mais également minerais, que le cardinal Mazarin, devenu propriétaire du duché de Mayenne en 1654, et ses successeurs après lui, ont eu soin d’exploiter pour assurer le développement économique de ce territoire.
cardinal mazarin propriétaire
du duché de Mayenne en 1654
La Révolution française a remis en cause le système social de l’Ancien Régime et la possession effective du duché et de ses richesses. Mais, sept générations après Honoré IV et Louise d’Aumont, le prince souverain Albert II de Monaco porte toujours le titre de duc de Mayenne et incarne, à travers sa visite officielle en Mayenne au mois de mai 2024, les liens d’amitié qui unissent encore ces deux territoires.
Le saviez-vous ?
Les Cassini sont une célèbre famille de cartographes et astronomes français, d’origine italienne, dont le grand-père Giovanni Domenico a été reçu à l’Académie des sciences par Louis XIV en 1669. Mais il faut attendre 1747 pour voir Louis XV confier à César-François Cassini et sa petite équipe d’ingénieurs cartographes la réalisation d’une carte de l’ensemble du royaume à l’échelle 1/86 400e, ambitieux projet qui n’est achevé qu’en 1789. Cette carte constitue une révolution technique : encore aujourd’hui, superposée avec des vues satellites, elle offre une remarquable exactitude topographique. Le duché de Mayenne est représenté sur les feuilles n° 63 et 96, dessinées entre 1755 et 1766 et publiées en 1763 et 1772. Le territoire représenté est donc très proche de celui qu’ont connu Louise d’Aumont et Honoré Grimaldi.
Archives de la Mayenne, 1 Fi 36 (extrait) et 38, cl. Allison Haugmard.

Chapitre 1
l'histoire d'un territoire :
Mayenne et son duché
Préhistoire, Antiquité
et premier Moyen Âge
Géologie et hydrographie
Le territoire de l’actuel département de la Mayenne se situe dans la partie est du Massif armoricain, tout près du Bassin parisien. Son altitude est globalement peu élevée, mais le relief y est fortement accidenté. Au nord-est du département se trouve le point culminant de tout le grand Ouest : le mont des Avaloirs (417 m), où la rivière Mayenne prend sa source. Vers le sud, le paysage s’abaisse en plateaux et collines. Le sol est de schiste argileux, de granit et grès armoricains. Ces roches dures et foncées, imperméables, retiennent de nombreux étangs ; la rivière Mayenne et ses affluents y ont tracé des vallées étroites et encaissées, propices aux prairies irriguées par les abondantes pluies propres au climat océanique. Le bocage est serré, entrecoupé de chemins creux et de haies qui fournissent du bois, des fruits, un abri aux petits animaux pouvant être chassés.
Cailloux et rochers sont nombreux dans les champs, et la couverture forestière est importante. Dans sa partie nord, la rivière Mayenne est plus encaissée ; ses deux principaux affluents sont l’Ernée, au débit abondant, et la Colmont. Ce relief et ce réseau hydrographique dense offrent des sites défensifs.
La terre est noire et pesante,
parfois difficile à labourer,
mais fertile.
La Préhistoire
En effet, des traces d’occupation humaine sont attestées en Mayenne dès la Préhistoire (‑ 50 000) dans les Coëvrons, la Charnie, les environs d’Ernée. Vers ‑ 10 000, la domestication des animaux débute. Au Ve siècle avant notre ère, de nouvelles populations s’installent sur le territoire, apportant outils et armes en pierre polie. Il s’agit notamment des Aulerques, l’un des plus anciens peuples celtes de Gaule, qui se scinde en plusieurs tribus : les Éburovices dans les environs d’Évreux, les Cénomans autour du Mans et les Diablintes dans le nord de l’actuel département de la Mayenne, depuis Château-Gontier jusqu’aux environs de Domfront-en-Passais (Orne). Au IIe siècle avant notre ère, une vaste place forte est établie à Moulay, sur un éperon rocheux au confluent des vallées de la Mayenne et de l’Aron.
Les Aulerques participent à la lutte gauloise contre la conquête de Jules César, sans toutefois opposer une résistance farouche. Surtout, le site de Moulay est abandonné et le centre administratif des Diablintes glisse vers le sud-est, à un important carrefour de voies terrestres qui prend d’abord le nom de Noviodunum, puis de Jublains. La prospère cité gallo-romaine subit les invasions germaniques, et plus encore une insécurité qui conduit à sa disparition. Son territoire est réuni vers la fin du IVe siècle à celle des Cénomans : ainsi est formé le territoire du futur diocèse du Mans et de la future province du Maine.
Le Haut Moyen Âge
Le Ve siècle est marqué par l’installation dans les forêts environnantes de plusieurs ermites (Ernier, Fraimbault, Céneré et Céneri) dont les prédications contribuent à la diffusion du christianisme. En 486 Clovis, roi des Francs, se rend maître du pays. Après sa conversion et son baptême, il bénéficie du soutien de l’Église et est reconnu comme roi légitime. Le Maine devient alors une zone tampon, peu peuplée, au contact de la Bretagne. Au VIIe siècle, sur la rive droite de la rivière, se trouvent un lieu fortifié et une petite église dédiée à sainte Anne : l’embryon de la ville de Mayenne. Au début du IXe siècle, un ermitage dédié à saint Martin est fondé de l’autre côté de la rivière. La menace des raids bretons puis normands conduit à remplacer le château en bois par une résidence en schiste et granit, prélevés sur les monuments gallo-romains de Jublains, renforcée par une enceinte (vers 910). De nombreuses places fortes s’établissent de part et d’autre de la frontière entre le Maine et la Normandie, irrégulière et fluctuante dans le temps. Autour de l’an mil, les charges militaires deviennent héréditaires : c’est la féodalité.
Le saviez-vous ?
Durant l’Antiquité, la rivière Mayenne, dans sa partie septentrionale, est franchie au gué de Saint-Léonard. Il est abandonné et remplacé par un autre gué, situé plus au sud, surplombé par le château de Mayenne. Un pont en bois y est construit au XIe siècle, ensuite reconstruit en pierre, à trois arcs brisés, qui ne sera détruit et remplacé qu’en 1868. Depuis le début du XXe siècle, la principale traversée se fait encore plus au sud, par le viaduc élevé d’après les plans de Gustave Eiffel, bombardé en 1944 et reconstruit en 1970.
Période féodale : de l’an mil
à la guerre de Cent Ans
Une région âprement disputée
Au Moyen Âge, la ville de Mayenne se concentre autour de quatre éléments placés le long des principales voies de communication : l’église Saint-Martin, le château, l’église Notre-Dame et le pont reliant les deux paroisses. Les historiens du XVIIe siècle indiquaient pour premier seigneur de Mayenne un certain Méen, à la fin du IXe siècle. L’existence de ce personnage n’est pas avérée, contrairement à celle de Hamon, auquel le comte d’Anjou Foulques Nerra aurait confié la garde du château de Mayenne, vers 1014, pour verrouiller la région.
En effet, à cette époque, duc de Normandie et comte d’Anjou se livrent une lutte d’influence matérialisée par une ceinture de châteaux dans le Maine : Mortain, Pontmain, Gorron, Ambrières, Châtillon-sur-Colmont, Ernée, Lassay, Bois-Frou, Rennes-en-Grenouilles, Couptrain, Villaines et Saint-Céneri. Geoffroy Ier, fils de Hamon, poursuit la même mission défensive, de sorte que Guillaume, le futur Conquérant, vient assiéger Mayenne en 1063. Par la suite, une nouvelle rivalité oppose les rois capétiens aux Plantagenêt (comtes d’Anjou et du Maine) soutenus par Juhel Ier, petit-fils de Geoffroy.
Fidélité au roi
et successions difficiles.
À la mort de Charles d’Anjou (1481), le roi Louis XI fit valoir ses droits et évinça les héritiers directs. Son fils Charles VIII céda brièvement la baronnie à la maison d’Armagnac (1484-1486), avant que René de Lorraine, petit-fils du roi René d’Anjou, n’obtienne gain de cause devant le Parlement (1498). Entre temps, la guerre de Cent Ans avait causé de nombreux dégâts, d’autant que les Anglais occupèrent la ville à deux reprises, entre 1361 et 1364 puis entre 1425 et 1448.
Un château, un pont, des monastères
Ces nombreuses guerres féodales firent du château de Mayenne un point clé de la baronnie, d’autant plus que la ville n’eut jamais de remparts, mais simplement des portes aux avenues principales. Fait intéressant, les châteaux de Laval et Château-Gontier furent construits à la même époque, également sur une hauteur de rive droite de la rivière Mayenne. Les Juhel poursuivirent l’agrandissement de leur forteresse jusqu’au début du XIIIe siècle : mur d’enceinte, tour maîtresse puis garnison, lui valant la réputation d’être imprenable par la force. Comme à Laval ou Sainte-Suzanne, un bourg se développe autour du château. À la même époque, l’église Saint-Martin est reconstruite ; au siècle suivant, l’église Notre-Dame l’est également, en granit. Très pieux, Geoffroy Ier puis Juhel II participent aux croisades en Terre sainte et en Albigeois ; ils encouragent dans la forêt l’installation d’ermites qui attirent des foules parfois à l’origine de monastères : Saint- Étienne puis Fontaine-Géhard, La Herperie (Belgeard) puis Fontaine-Daniel, comme ailleurs Clermont et Bellebranche.
Du XIe au XIIIe siècle, les défrichements sont nombreux et massifs. Dans le même temps, les seigneurs de Mayenne soutiennent l’installation d’un premier hôpital (XIe siècle), puis d’un second à la Madeleine, avec cimetière et chapelle (XIIIe siècle). Le commerce se développe à travers les marchés et les foires. Au XIIIe siècle, la législation locale se fixe par la codification des coutumes d’Anjou et de Maine, modernisées en 1508.
Le saviez-vous ?
La féodalité est un système social pyramidal apparu au cours du Xe siècle. Dans un contexte de guerre fréquente, la noblesse se structure pour défendre ses biens et ceux de l’Église. Pour ce faire, les seigneurs confient à leurs fidèles, appelés vassaux, des fiefs, c’est-à-dire des parcelles de leur domaine et/ou des droits ; ils exigent en contrepartie obéissance et soutien. La puissance d’un seigneur dépend donc du nombre de ses vassaux. La hiérarchie est la suivante : écuyer < seigneur < chevalier < baron < vicomte < comte < marquis < duc < prince.
Chapitre 2
Une histoire de familles :
les Mazarin-Grimaldi
Un duché,
quatre familles
Un baron devenu marquis, un marquis devenu duc
Au milieu du XVIe siècle, les barons de Mayenne sont parents avec toutes les grandes familles de Touraine, du Maine et du Poitou, dont certaines ont compté des chevaliers présents à Marignan et Pavie aux côtés de François Ier. Pour service rendu, Claude de Lorraine, duc de Guise, obtient que sa baronnie de Mayenne soit élevée au rang de marquisat. Son petit-fils Henri, surnommé le Balafré en raison d’une affreuse blessure reçue sur les champs de bataille et dont l’avait guéri Ambroise Paré, cède le marquisat en 1573 à son frère Charles, qui se fait immédiatement élever au rang de duc et pair, le plus prestigieux titre du royaume. Le duché de Mayenne confine alors à Sillé-le-Guillaume à l’est, à Mamers et Alençon au nord, à Fougères et Vitré à l’ouest, entre Laval et Sablé au sud ; c’est alors l’une des plus considérables seigneuries du grand Ouest.
Guerres civiles et successions difficiles
Mais la période est troublée : dès 1561 la région craint le passage des Protestants du Mans et fortifie les abords de Mayenne. La situation se reproduit quatre fois entre 1562 et 1582. Il faut dire que les Guise, ducs de Mayenne, sont alors les meneurs du parti catholique, s’opposant aux rois successifs qu’ils jugent trop laxistes avec le parti protestant. Les idées protestantes ont peu d’écho mais des églises et abbayes sont pillées – Notre-Dame de Mayenne l’est quatre fois ! Le souci de défense, abandonné à la fin de la guerre de Cent Ans, se fait brièvement sentir de nouveau : plusieurs familles nobles sont ruinées par les dépenses militaires et les ravages subis par leurs biens, lourdement endettés, beaucoup doivent vendre leurs terres. Pour les Guise, les conséquences sont pires encore : Henri est assassiné en 1588 et Charles tient tête au roi Henri IV, auquel il se soumet finalement en 1595.
Henri est assassiné en 1588
et Charles tient tête
au roi Henri IV.
Il meurt en 1611, et après lui son fils Henri en 1621, sans enfants. Le duché passe à son neveu par alliance Fernand de Gonzague, mort en 1631. Après quelques difficultés, le neveu de ce dernier, duc de Mantoue et de Nevers, hérite finalement en 1645. En ces années-là, la mort de Louis XIII, alors que Louis XIV est mineur, plonge le royaume dans le trouble. La haute noblesse et les parlementaires se révoltent : c’est la Fronde (1649). Le Maine, influencé par le duc de la Trémoille installé à Laval, adhère à ces idées sans toutefois prendre les armes.
Une nouvelle dynastie, de Mazarin aux Grimaldi
Giulio Mazarini, dit Jules Mazarin, est né en 1602 dans un village du centre de l’Italie. Il entreprend une carrière diplomatique au service du Pape et est envoyé en France, où ses talents sont rapidement reconnus : il est naturalisé en 1639, devient cardinal en 1642. Recommandé par Richelieu, il devient conseiller de Louis XIII puis d’Anne d’Autriche. Contraint à l’exil pendant les troubles de la Fronde, il revient en France (et au pouvoir) en 1653. Les Gonzague, ducs de Mayenne, l’ont décrié pendant la Fronde alors qu’ils sont endettés envers lui : il se rembourse en leur rachetant le duché. Peu avant sa mort, étant cardinal et donc sans postérité, il offre le duché à sa nièce, Hortense Mancini, à l’occasion de son mariage avec Armand-Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, petit-neveu de Richelieu.
Le cardinal fixe toutefois une condition : son neveu par alliance doit porter le nom et les armes de Mazarin. Armand-Charles se trouve alors à la tête du principal duché du Maine, et de la première fortune du royaume. Se succèdent ensuite Paul-Jules (1713-1731) et Guy-Paul-Jules de La Porte (1731-1738), puis Louise-Jeanne de Durfort (1738-1781), dont la fille Louise-Félicité-Victoire d’Aumont épouse le 2 octobre 1777 Honoré-Charles-Maurice de Grimaldi. Cette union scelle le lien entre le duché de Mayenne et la principauté de Monaco.
Le saviez-vous ?
Honoré II Grimaldi prend le titre de prince en 1612. En 1641, pour le remercier d’avoir chassé les Espagnols, Louis XIII signe avec lui le traité de Péronne et lui donne plusieurs seigneuries dans le sud du royaume (Cantal, Drôme, Bouches-du-Rhône). En 1643, il siège au parlement de Paris. Il mène pendant 20 ans une politique de grands travaux à Monaco : palais, chapelle, maison commune, couvent de la Visitation. En 1678, son petit-fils Louis Ier, filleul de Louis XIV, promulgue la première loi de la principauté, le Code Louis.
Des rois, des princes,
des ducs
Colbert, l’homme de confiance
Jean-Baptiste Colbert, administrateur des biens du cardinal Mazarin, l’incite, plutôt que de matérialiser sa fortune en argent et en œuvres d’art, à investir dans la terre et les droits féodaux, plus lucratifs sur le long terme. C’est ainsi qu’en mai 1654 il le convainc de racheter aux Gonzague le duché de Mayenne, pour la belle somme de 756 000 livres tournois (environ 17 millions d’euros). L’année suivante, Colbert se rend sur place et dresse un premier bilan mitigé : les chemins sont impraticables, la ville est sale et désagréable, la population certes riche et calme, mais peu avenante. Conscient du travail à accomplir, il charge un certain Louis Berryer d’assurer la gestion quotidienne du domaine.
Dans les années qui suivent, pour donner plus de cohérence et d’ampleur au duché, il achète quatre autres terres alentours pour un total de 186 100 livres (4 millions d’euros) et divers droits féodaux pour 51 450 livres (1 million d’euros). Mazarin le félicite régulièrement de son dévouement mais, en 1658, il envisage de vendre : Colbert l’en dissuade et, l’année suivante, le décide même à acheter le duché de Nevers, autre propriété des Gonzague, moins bien administré et plus rude que celui de Mayenne.
Mazarin l'homme fort.
Le duc engage rapidement des travaux d’assainissement et d’urbanisme à Mayenne. Plus encore, il accorde à la ville une municipalité d’une quinzaine de personnes, compétente en matière de défense, de police et de gestion des deniers communs. Un octroi (péage) à l’entrée de la ville constitue ses recettes. Le duc reçoit une liste de trois candidats parmi lesquels il choisit le maire. Au XVIIIe siècle, ce système est contesté.
Par ailleurs, le duc est un seigneur féodal, qui rend justice par l’intermédiaire d’une dizaine d’officiers, dont deux juges. Depuis 1544, cette justice ne dépendait plus du sénéchal du Mans, mais directement du Parlement de Paris. Une petite justice royale, appelée « Bourgnouvel », subsistait à Belgeard mais son ressort territorial était minuscule. Pour la perception des impôts, le roi disposait d’une élection pour la taille et d’un grenier à sel pour la gabelle (et un autre à Ernée). On trouvait enfin une maréchaussée rattachée au prévôt du Mans. En revanche, comme le comte de Laval, le cardinal Mazarin avait acheté le droit de nommer tous les officiers royaux du duché, ce qui lui garantissait une réelle autonomie y compris vis-à-vis du roi. D’ailleurs, l’administration des eaux et forêts, théoriquement royale, est ducale à Mayenne. Pour loger tous les agents qui dépendent de son maître, Colbert fait construire dès 1656 un palais, la « barre ducale », racheté par la mairie sous la Révolution.
Armand-Charles, l’homme du Grand Logis
Armand-Charles de La Porte-Mazarin, neveu par alliance et héritier du cardinal (1661-1699), partage son temps entre ses différentes terres en Alsace, dans les Ardennes et dans l’Ouest. Quand il séjourne à Mayenne, le château, ruiné par les guerres, est peu accueillant et subit des travaux pour servir de prison. Entre-temps, le nouveau duc s’est fait bâtir en 1664 une maison vaste et simple, appelée « château des Buttes » ou « Grand Logis ». Le site domine la rivière et étend ses terrasses agréablement exposées au sud. Le mobilier témoigne d’un goût pour l’exotisme, qui plaît aux invités. L’essentiel est liquidé en 1744, et le bâtiment vendu en 1806.
- Hortense Mancini, reproduction héliographique par Schutzenberger du tableau conservé au château de Marchais dans l’Aisne (s. d.).
© Archives du Palais princier de Monaco, 4 Fi 3.4.2, cl. Pierre-Yves Morandon
Reproduction interdite - Armand Charles de Mazarin, portrait gravé par Nicolas de L’Armessin (1661).
© Archives du Palais princier de Monaco, 4 Fi 3.3.2, cl. Pierre-Yves Morandon
Reproduction interdite
Le saviez-vous ?
Armand-Charles était moqué pour sa dévotion excessive et une profonde différence de caractère avec Hortense, ayant conduit les époux à se séparer en 1667. Son esprit fantaisiste l’aurait poussé à faire installer au Grand Logis une horloge, surnommée « La Mazarine », qui n’indiquait jamais l’heure exacte, incitant les Mayennais à s’affranchir de la ponctualité. De là viendrait le fameux « quart d’heure mayennais » ! Néanmoins ses sujets ont gardé de lui un souvenir reconnaissant, comme en témoigne sa statue au sommet de la barre ducale.
Chapitre 3
une histoire d'hommes :
la vie dans le duché de mayenne
Une vie économique en
plein essor
Une terre d’agriculture
À la fin du XVIIe siècle, les habitants du Maine ont la réputation d’être travailleurs mais aussi discrets et méfiants, moins dépensiers que les Tourangeaux et les Angevins. Le paysage est sauvage, jonché de rochers, de collines, de bois et d’étangs. Les terres de Mayenne, plus fertiles que celles de Laval, portent des noyers et châtaigniers, du blé et du seigle ; on y produit aussi du miel. Comme dans tout l’Ouest, on distingue les métairies, grandes exploitations appartenant au clergé, à la noblesse ou à la bourgeoisie et prises à ferme par des laboureurs, et les borderies ou closeries, plus petites, louées par des paysans pauvres. Les landes servent de pâturages pour les troupeaux de chevaux de trait et de bovins dont on tire du fumier, du lait, du beurre et de la viande. La présence de loups empêche celle des moutons.
En 1767, la création d’une école vétérinaire est momentanément envisagée. La production couvre les besoins locaux et permet quelques exportations. Les marchés se tiennent près du château depuis la fin XIe siècle ; s’ajoutent les foires de la Madeleine (XIIIe siècle), puis six autres à Mayenne et sept ailleurs dans le duché. Les halles, bâties à la place de l’hôtel de ville actuel, sont transférées en 1660 sur l’ancien étang de Baudais, dans l’enceinte du château, tout juste asséché.
Du lin à la toile,
entre campagne
et ville
Le lin apprécie les sols acides. De longue date, les paysans du Bas-Maine le cultivent et lui font subir les premières transformations : détrempage, séchage et écrasage pour en faire de la filasse. Celle-ci est apportée en ville pour être mise en paquets, qu’on renvoie à la campagne où femmes et enfants produisent le fil. Il est rapporté sur le marché de la place du Palais, où les tisserands l’achètent pour tisser les toiles, les blanchir et les vendre.
Les principaux centres de production sont Laval, Mayenne et Château-Gontier, et dans une moindre mesure Ernée et Craon. Les toiles de Mayenne, de moins bonne qualité que celle de Laval, sont vendues près de l’église Notre-Dame et il faut attendre 1776 pour voir la construction d’une halles aux toiles. Les marchands lavallois les achètent comme des toiles ordinaires, revendues au Mans, en Normandie, en Bretagne et au-delà. Entre 1747 et 1787, la production est multipliée par 7,5 et le montant des ventes par plus de 15, pour atteindre 10 000 toiles et 3 millions de livres tournois (plus de 30 millions d’euros).
L’eau, le bois et le métal
La forêt de Mayenne appartient à un ensemble qui, du Passais au Craonnais, constituait la marche entre Maine-Anjou et Bretagne. Elle est plantée de chênes, hêtres, ormes, saules et fruitiers. Ils dominent les arbustes d’aubépine, houx, ajoncs et genêts. Les défrichements, notamment monastiques, du Moyen Âge, en ont réduit la superficie. Elle reste cependant la plus vaste du Bas-Maine : plus de 5 700 arpents (presque 3 000 hectares) et Colbert y voit un atout majeur pour le cardinal Mazarin. En 1657, il procède à une visite intégrale de la forêt, dont il constate la mauvaise gestion, en dépit de ressources prometteuses. Elle échappe à l’administration royale et dispose de son propre règlement (1669).
- Plan de la forest de Mayenne, de sa nouvelle distribution en 18 coupes (s. d.) [fac-similé].
© Archives du Palais princier de Monaco, T 743, cl. David Coradini
Reproduction interdite - Carte du canal de navigation qui doit joindre la Vilaine à la Mayenne (s. d.) [fac-similé].
© Archives du Palais princier de Monaco, T 744,
cl. David Coradini
Reproduction interdite
Par ailleurs, on trouve des mines de fer à Andouillé, à Bourgon et au Bourgneuf. Les gros ruisseaux du Bas-Maine fournissent l’énergie hydraulique aux forges de Chailland, d’Aron et d’Orthe, créées grâce à l’expertise de François de Guise, duc de Mayenne. Le haut-fourneau de Chailland est l’un des plus importants de l’époque. Les forges d’Andouillé sont postérieures et cessent leur activité en 1724, faute de bois. Rivières, forêts et mines sont donc des ressources précieuses et complémentaires. Colbert confie à Louis Berryer le soin de développer l’exploitation forestière pour alimenter les forges. Les moulins à farine sont prospères mais le moulin à papier, construit par Colbert, ne réussit pas, de sorte qu’on ne trouve pas d’imprimeur à Mayenne avant la Révolution.
Le saviez-vous ?
Les chemins du Bas-Maine, souvent boueux, se prêtent mal au transport de marchandises. La canalisation de la Mayenne, d’Angers à Laval, au XVIe siècle désenclave le territoire ; l’importation des vins d’Anjou contribue même à la disparition de la vigne au profit des pommiers à cidre et à couteau. Mazarin souhaite étendre la navigabilité jusqu’à Mayenne, mais les travaux s’arrêtent à Saint-Jean-sur-Mayenne. En 1783, le projet de canal reliant la Vilaine à la Mayenne n’aura pas davantage de succès. Il faudra attendre encore un siècle pour que l’écluse de Mayenne soit construite.
La vie quotidienne aux temps
des Mazarin et Grimaldi
Demeures privées et équipements publics
La vigueur économique de la campagne mayennaise ainsi que les administrations royales, seigneuriales et municipales rassemblées dans la Barre ducale produisent une richesse qui se matérialise en ville. Les familles qui bénéficient des revenus commerciaux ou fiscaux se font bâtir, à l’instar du Grand Logis ducal, de beaux hôtels particuliers : tel est le cas des Chappedelaine au XVIe siècle, des Baglion, Clinchamp et Chasteloger au XVIIe, enfin des Montpinçon, Brossard et Lefebvre d’Argencé au XVIIIe. Dans les années qui précèdent la Révolution, un « cercle », ancêtre des clubs, réunit une quarantaine de membres, les notables de la ville. Le duc et la municipalité utilisent une partie de leurs revenus pour mener des travaux d’assainissement.
La place de l’eau dans la ville est repensée : les étangs du château sont asséchés en 1660 et 1787, en contrepartie sont construites les fontaines de Hercé (1668) et de Saint-Vincent (1683). Leurs bassins doivent notamment fournir l’eau en cas de besoin car Mayenne, vieille ville aux rues étroites, redoute les incendies.
Religion et charité
Quelques éléments médiévaux de l’église Notre-Dame restent visibles, mais l’édifice est largement reconstruit et agrandi du XVIe au XVIIIe siècles : piliers Renaissance, bas-côtés Grand-Siècle, voûtes, autel, jubé et chaire des Lumières, orgues régulièrement entretenues. Dans le même temps, la ville accueille deux nouveaux couvents : celui des Capucins (1607), plusieurs fois augmenté (1629, 1757), qui abrite une vingtaine de religieux, et celui des bénédictines du Calvaire (1629) qui compte une quarantaine de sœurs.
Le curé de Notre-Dame adopte la doctrine hérétique janséniste (1666), suscitant l’opposition des Capucins et l’adhésion des Calvairiennes et du duc Armand-Charles. À noter qu’un certain Louis-André de Grimaldi a été évêque du Mans pendant dix ans (1767-1777). Ce n’est toutefois pas un proche parent d’Honoré, qui épousait la duchesse Louise en 1777, car il descend non pas de la lignée monégasque mais de la branche Grimaldi installée à Antibes. L’hôpital médiéval s’accroît grâce à la générosité des habitants. En 1700, il compte cinquante-deux lits. En 1659, Mazarin autorise les Bénédictines à s’installer à l’hôpital général de la Madeleine ; il en finance en contrepartie la reconstruction. Le bureau de charité créé par le duc Armand-Charles (1667) connaît une histoire fluctuante selon les moyens financiers disponibles ; en 1781 il peut accueillir 20 pauvres à condition qu’ils habitent à Mayenne depuis deux ans. Une immense maison pouvant loger cent-cinquante vieillards ou enfants est ensuite construite, abritant des manufactures de toiles. Les patients atteints de troubles mentaux étaient envoyés soit à Rennes soit à Alençon. En 1780, on inaugure un cours d’obstétrique pour les sages-femmes de la campagne.
La population entre croissance et malheurs du temps
Les archives témoignent, à intervalles réguliers, des malheurs qui frappent la population : épidémies de peste, de fièvre et de dysenterie, maladies qui frappent les troupeaux, tempêtes et mauvaises récoltes, parfois ravagées par les mulots et qui entraînent des famines, crues de la Mayenne voire attaques de loups. Sous Louis XIV, les troupes en quartiers d’hiver et la garde des prisonniers de guerre sont à la charge de la ville et des environs. En Bretagne et en Normandie, l’impôt sur le sel (« gabelle ») est bien plus faible, le trafic de sel ou « faux-saunage » est donc fréquent. Le Bas-Maine est globalement moins peuplé que les régions voisines avec une densité moyenne de 45 habitants au km², mais la région de Mayenne est plus peuplée que celle de Laval. À la Révolution, le duché compte environ 60 000 habitants, dont 8 000 à Mayenne et 3 500 à Ernée.
Le saviez-vous ?
Le collège de Mayenne est fondé au quartier Saint-Vincent en 1560. Dans les années 1590, six professeurs enseignent le latin et le grec. Le principal est désigné par la municipalité après accord de l’évêque et du duc. Ce dernier, depuis Armand-Charles, rétribue un professeur pour enseigner gratuitement la lecture à tous les enfants de plus de sept ans. Les Bénédictines de la Madeleine, établies en 1699, assurent l’instruction des filles pauvres. Enfin, comme ailleurs, un bon nombre de gens lettrés accueillaient chez eux des pensionnaires auxquels ils enseignaient.
Les troubles de la Révolution et de la contre-révolution
Un serviteur ambitieux : Maupetit
Issu d’une famille de juristes, Michel-René Maupetit étudie le droit à l’université d’Angers et entre en 1769 au service de la duchesse Louise-Jeanne en qualité d’agent d’affaires à Mayenne. Habile, il négocie d’être hébergé au Grand Logis et cumule des fonctions au service du roi et de la municipalité de Mayenne (1776). Pragmatique, il dissuade le duc de racheter les biens de l’abbaye de Fontaine-Daniel ou de vendre le duché, et laisse courir les voleurs insolvables plutôt que de les emprisonner et devoir les nourrir. Les années troublées qui suivent changent son destin : il est élu député du tiers-état à l’assemblée provinciale (1787) puis aux États généraux (1789) et participe à la rédaction des cahiers de doléances.
Le peintre Jacques-Louis David le représente au premier plan sur son célèbre tableau Le serment du Jeu de Paume. Il se distingue par sa prudence, son désir de retour à l’ordre et son assiduité aux séances, dont il informe par des lettres fréquentes ses amis à Mayenne. Il y rentre pour jouer un rôle actif dans la commune et au tribunal, sans cesser de gérer les affaires de la duchesse et de loger chez elle. Les révolutionnaires lui reprochent ses contradictions, dont il se défend en disant avoir servi la duchesse par hasard plus que par goût ; et dont il se fait pardonner en livrant au feu les archives du duché. Il reçoit la Légion d’Honneur en 1805 puis se retire aux forges de Chailland.
Mayenne d’un siècle à l’autre
Honoré Grimaldi est un homme ouvert aux idées des Lumières. L’accession au titre de duc en 1781, quatre ans après son mariage avec Louise, révèle de graves difficultés : importantes dettes, mauvaise gestion du domaine, nombreux procès contre des vassaux. Le train de vie dispendieux et l’incompatibilité de caractères menacent leur union. À l’été 1789, la bourgeoisie mayennaise accueille la Révolution avec satisfaction, mais la prise de la Bastille et la famine suscitent des émeutes. C’est surtout la persécution religieuse, contre les prêtres refusant de prêter serment à la constitution, qui provoque une rupture dans la société.
En 1792, malgré la forte insécurité qui règne, la municipalité n’ose pas prendre de mesures trop radicales. L’année suivante, l’armée chouanne prend le contrôle des environs et les combats durent jusqu’en 1801. Après la chute de Napoléon, (1815), la Restauration monarchique est saluée avec enthousiasme. Louise et Honoré, par mésentente et pour préserver leur fortune respective, se séparent (1790) puis divorcent en 1793. L’année suivante, ils sont emprisonnés tous les deux, ainsi que leurs fils. À partir de 1803, ils vendent l’essentiel de leurs biens : c’est le cas à Mayenne du Grand Logis (1806) et du château (1815). La ville se modernise sous le Second Empire avec la construction de la gare (1866), de la caserne (1876), du théâtre (1892) et surtout la canalisation de la Mayenne et la construction de ponts et de quais (1860-1874) où l’on trouve, comme à Laval, des bateaux-lavoirs.
- La princesse Louise-Félicité-Victoire de Monaco, huile sur toile de Marie Verroust (1879) d’après une miniature peinte à Naples par Vivant Denon (1802).
© Archives du Palais princier de Monaco, PH 3464, cl. Gaétan Luci
Reproduction interdite - Honoré IV, duc de Mayenne (1781-1790) puis prince de Monaco (1814-1819), dessin au crayon de Jacques-Antoine Lemoine.
© Archives du Palais princier de Monaco, PH 788, cl. Gaétan Luci
Reproduction interdite
Une principauté qui plie mais ne rompt pas
Le XVIIIe siècle marque pour les Grimaldi une période d’alliances : successions de Matignon (1731-1733) et d’Aumont-Mazarin (1777-1781). Mais l’abolition des droits féodaux en 1789 sape les bases de ces stratégies familiales, même si l’Assemblée nationale vote une indemnité au prince (1791). D’ailleurs, la Convention nationale monégasque vote le rattachement à la France (1793) et Honoré IV doit attendre 1814 pour être rétabli sur le trône de Monaco. Sept générations plus tard, le prince Albert II porte encore de manière honorifique les titres de ses ancêtres.
Le saviez-vous ?
En 1790, pour constituer des départements équitables, le Haut-Maine devient la Sarthe tandis que le Bas-Maine reçoit une partie importante de l’Anjou pour former la Mayenne à partir de la zone de culture et de travail du lin. Maupetit demande le chef-lieu pour Mayenne, arguant (en vain !) qu’elle est éloignée de Château-Gontier et de Craon, mais plus centrale que Laval pour les autres villes : Ernée, Lassay, Villaines, Évron et Sainte-Suzanne. En 1796, à la faveur d’une accalmie dans les guerres chouannes, Mayenne réclame encore le rang de chef-lieu du département.
Chapitre 4
Une histoire d’amitié : la Mayenne
et Monaco depuis le XIXe siècle
Conclusion
Une ferveur sportive partagée
Le prince Albert Ier était navigateur, son fils Louis II soldat, son arrière-petit-fils Rainier III bâtisseur ; Albert II, prince souverain en titre, est un sportif. Il a pratiqué plusieurs disciplines (athlétisme, tennis, aviron, ski, escrime, bobsleigh aux JO) et siège au Comité international olympique, tandis que la princesse consort Charlène a été nageuse professionnelle. La Mayenne partage la même ferveur sportive : avec un tiers de sa population licenciée en club, elle a été le Département le plus sportif de France en 2014 et de nouveau en 2024, année olympique. En sport automobile, les trois épreuves les plus prestigieuses du calendrier international sur circuit sont : le Grand Prix de Monaco de Formule 1, les 500 miles d’Indianapolis en Indy Car et les 24 Heures du Mans en endurance, compétition mythique organisée dans le département voisin, la Sarthe.
Il faut également citer deux équipes de football incontournables : l’Association sportive de Monaco FC et le Stade lavallois Mayenne FC. Elles se sont rencontrées régulièrement en Division 1 de 1977 à 1989 et en Ligue 2 de 2011 à 2013. Face à l’ASM, les Tangos ont remporté la finale de la Coupe de la Ligue 1984 (3-1) et le 32e de finale de la Coupe de France 1997 (1-0) mais le bilan est globalement équilibré et quelques hommes ont connu les deux clubs, comme Jacques Pérais (1976-1984), Uwe Krause (1980-1984) ou l’entraîneur Marco Simone dans les années 2010.
De l’amitié à l’association
Les aléas de la période révolutionnaire ont rompu le lien dynastique qui unissait la principauté de Monaco et le duché de Mayenne, mais les princes de Monaco font régulièrement honneur à leur titre honorifique de ducs de Mayenne. Ainsi le prince Rainier III avait invité le maire de Mayenne Claude Leblanc à Monaco pour les festivités du 700e anniversaire de la prise de pouvoir des Grimaldi sur le Rocher (1997) ; le prince Albert II avait convié le maire Michel Angot à l’occasion du 10e anniversaire de son règne (2015). Depuis, la rumeur d’une visite officielle du prince souverain circulait dans l’ancien Bas-Maine… pour se concrétiser en mai 2024. Mayenne adhère désormais à l’association des anciens fiefs, Sites historiques Grimaldi de Monaco.
Les archives : disparues, dispersées, insolites
Les archives conservent l’épaisseur de l’histoire. Hélas, celles du duché de Mayenne ont été pillées par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans et brûlées pendant la Révolution. Ce qui reste est dispersé entre les Archives nationales, diplomatiques, celles de la famille de Guise au château de Chantilly, celles de la Mayenne et de la Sarthe, celles du Palais de Monaco ; la Bibliothèque nationale, celles de Mayenne, de Coulommiers, de l’Arsenal à Paris. Un ensemble de documents, à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, a suscité une violente polémique surnommée « l’affaire Dreyfus du Maine ». Il s’agit de chartes de croisade datées de 1158, découvertes par l’abbé Charles Pointeau dans les archives du château de Goué (Fougerolles-du-Plessis) et publiées par lui en 1878. L’église Notre-Dame de Mayenne est ornée en 1890 d’un grand vitrail relatant cet épisode, détruit par les bombardements de 1944.
- Le château de Goué, à Fougerolles-du-Plessis.
Archives de la Mayenne, 5 Fi 95/40 - Jules RAULIN, Les vitraux nouveaux de l’église Notre-Dame de Mayenne, Laval, Goupil (1894).
Archives de la Mayenne, AC 9 - Les trois fausses chartes (XVIIe siècle) à l’origine de la controverse deux siècles et demi plus tard.
Archives de la Mayenne, 6 J 18
Mais, en 1896, l’abbé Angot publie une étude critique concluant que ces documents sont des faux du XVIIe siècle. L’affaire vire au romanesque : les documents en question sont égarés, puis retrouvés, et les auteurs publient de nouveaux articles pour défendre leurs positions (1897-1900). Le débat est rallumé en 1911 sous la plume d’Alain de Goué, descendant d’une branche cadette vendéenne. Les esprits s’échauffent et l’archiviste départemental, Ernest Laurain, sollicite des experts parisiens et confirme la thèse de l’abbé Angot. La Commission historique et archéologique de la Mayenne décide de se mettre en retrait. Un nouvel auteur, le vicomte Christian Le Bouteiller, se range du côté des croisés ; Ernest Laurain réplique et l’affaire s’éteint avec la mort d’Alain de Goué, sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.
- L’abondante littérature publiée en 1878, 1896-1897 et 1911-1914 au sujet des fausses chartes de Goué.
Archives de la Mayenne, MF 948 et 962 à MF 971 - Correspondance adressée par Léon-Honoré Labande, conservateur du palais de Monaco, à son ami Ernest Laurain, directeur des Archives de la Mayenne, au sujet de son projet de bâtiment (1911, verso avec signature autographe) et de son dernier ouvrage sur la croisade mayennaise (1914, recto).
Archives de la Mayenne, 267 J 21
Le saviez-vous ?
Dans l’Oise, en septembre 1867, naissent à deux jours d’intervalle Léon-Honoré Labande et Ernest Laurain. Camarades au séminaire de Beauvais, ils étudient tous deux à l’École des chartes, mais dans des promotions différentes. Le premier devient conservateur du Palais de Monaco (1906-1939) ; le second, directeur des Archives de la Mayenne (1896-1932). Ils entretiennent une longue correspondance. Fait amusant, Madeleine Laurain-Portemer, fille d’Ernest, est bibliothécaire et historienne, spécialiste de l’histoire de Mazarin dont elle a notamment consulté les archives au Palais de Monaco.
départementales de la Mayenne ?